Career cushioning, quiet quitting...Les nouveaux comportements au travail ont un nom
Dans ce nouvel épisode, Jean-Baptiste Vennin reçoit Éric Gras, expert du marché de l’emploi chez Indeed, pour décrypter une série de comportements émergents qui bouleversent notre rapport au travail.
À l’ère du quiet quitting, du rage applying ou encore du career cushioning, ces anglicismes en apparence anecdotiques révèlent en réalité une mutation profonde du monde professionnel.
Au programme :
◉ Pourquoi ces mots anglais inondent les discours RH, les articles et les posts LinkedIn
◉ Comment ils traduisent une fatigue structurelle, une volonté de reprendre le contrôle et un besoin de préserver sa santé mentale
◉ Le career cushioning : stratégie opportuniste ou forme de prudence responsable ?
◉ Ce que ces comportements disent de la nouvelle loyauté au travail : plus adulte, plus équilibrée
◉ Les différences générationnelles face à ces nouveaux réflexes, notamment chez les jeunes actifs
◉ Pourquoi les RH doivent cesser de voir ces signaux comme marginaux
◉ Comment repenser les entretiens professionnels, la mobilité interne, et même l’offboarding
◉ Vers une nouvelle culture de l’employabilité partagée ?
📊 Quelques chiffres issus de l’épisode :
✔ 61 % des 18-34 ans se forment en vue d’un changement de poste ou de métier
✔ 60 % des salariés dans le monde sont psychologiquement déconnectés de leur travail
✔ 71 % des salariés sont plus motivés à aider un collègue… s’il est aussi un ami
✔ 45 % des Américains restent dans leur emploi uniquement pour des raisons économiques
💬 Une citation à retenir :
“Le career cushioning, c’est discret, mais massif. Ce n’est pas un désengagement, c’est une forme d’intelligence du risque.”
🔗 Ressources mentionnées :
• Étude PWC Future of Work
• Baromètre Gallup sur l’engagement au travail
• Étude Indeed x OpinionWay sur les comportements au travail
🔍 À propos d’Éric Gras :
Éric Gras est expert du marché de l’emploi chez Indeed. Il intervient régulièrement pour éclairer les grandes mutations du travail et accompagne les entreprises dans la compréhension des nouvelles attentes des salariés.
👉 Disponible sur toutes les plateformes de podcast :
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Transcript
**Eric**:
Job Radio présente Job News by Indeed, le podcast qui décrypte l'actu de l'emploi.
**JB**:
61% des 18-34 ans se forment aujourd'hui en prévision d'un changement de poste ou de métier. C'est ce qui ressort en tout cas d'une étude PWC Future of Work et d'après Gallup, 60% des salariés dans le monde se disent psychologiquement déconnectés de leur travail. Dans ce contexte, un vocabulaire nouveau s'installe avec des mots comme career cushioning, ghosting, quiet quieting, rage applying, rage quieting, désolé pour mon accent, Derrière ce vocabulaire, un monde du travail en transformation. Bonjour à toutes et tous, bienvenue dans ce Job News by Indeed, le podcast qui décrypte chaque mois les grandes tendances de l'emploi. Et dans cet épisode, le pouvoir des mots, ceux qui décrivent les nouveaux comportements au travail, ceux qui révèlent peut-être un malaise parfois, ou un changement en tout cas de paradigme. Et en plateau à mes côtés, Eric Graa, expert du marché de l'emploi chez Indeed. Hello, how are you Eric ?
**Eric**:
Fine, thanks GB !
**JB**:
Oh, super l'accent, bravo ! Ce n'est pas anodin, évidemment, si j'utilise l'anglais pour te demander comment tu vas. Eric, pourquoi tous ces mots, finalement, souvent venus du monde anglo-saxon, s'imposent comme ça aujourd'hui dans les discours RH, les articles, les conversations LinkedIn ?
**Eric**:
Ça tient à plusieurs dynamiques. Déjà, il y a une influence globale du monde anglo-saxon, notamment des États-Unis, dans les pratiques managériales, les modèles économiques et les plateformes, donc souvent ça vient de là-bas. Ensuite, il y a la vitesse de diffusion. Ces termes émergent souvent sur les réseaux sociaux professionnels, voire personnels, dans des publications RH internationales, puis c'est traduit, ou non, dans le milieu francophone. Donc la puissance des formats courts, des termes comme le « quiet kidding » ou le « rage playing » comme tu l'as dit tout à l'heure, condense une situation complexe en deux mots facilement compréhensibles, mémorables et partageables. Ces expressions deviennent des repères culturels instantanés, voire des hashtags, facilement repris, avec un fort potentiel de viralité.
**JB**:
– Est-ce qu'on peut dire finalement que ces mots révèlent quelque chose de profond ?
**Eric**:
Carrément oui, ces maux sont des symptômes de mutations profondes du monde du travail, comme une montée des frustrations, des désillusions face à l'entreprise, le fameux rage quitting ou le rage playing, un besoin cru de reprendre le contrôle sur son rapport au travail, mais aussi une volonté de protéger sa santé mentale, c'est un vrai sujet d'actualité, et son équilibre personnel, notamment là on parle du quiet quitting et du career cushioning. Ces ressentis d'ailleurs, frustration, épuisement, manque de reconnaissance, longtemps intériorisés, se concrétisent sous la forme d'un comportement observable et témoignent ainsi la cristallisation émotionnelle du monde du travail aujourd'hui et la volonté justement de les partager sur les réseaux avec ces fameux hashtags.
**JB**:
Avant d'aller plus loin, peut-être, je vais te proposer de prendre un moment pour décrypter justement ces expressions, vraiment savoir de quoi on parle. Avec ton regard d'expert, tu vas nous expliquer rapidement ce que signifient concrètement ces mots qui sont devenus courants, en tout cas dans le langage des ressources humaines. Si on commence par le ghosting, Alors.
**Eric**:
En effet, prenons un moment et c'est là où je vais mettre mes lunettes de Bernard Pivot et on va rentrer un peu dans le détail. Le ghosting dans un contexte professionnel, donc le ghosting désigne le fait de cesser toute communication sans prévenir, que ce soit de la part d'un recruteur, d'un employeur ou d'un candidat. Exemple. Un recruteur cesse de répondre après plusieurs entretiens ou un candidat ne se présente pas le jour de son embauche sans explication. Le ghosting est problématique car cela nuit à la transparence, à la relation de confiance et peut avoir un impact sur la réputation professionnelle des deux parties.
**JB**:
Allez, garde tes lunettes, on enchaîne avec le quiet-kitting.
**Eric**:
Alors le quiet-kitting, littéralement la démission silencieuse, ce terme décrit le fait pour un salarié de se limiter strictement à ses tâches contactuelles, donc je fais mon travail mais sans aucune conviction, sans faire d'efforts supplémentaires, sans âme, sans odeur et sans saveur. Donc c'est pas une vraie démission. mais une prise de distance mentale, émotionnelle avec le travail. Exemple, ne plus répondre à ses emails en dehors des heures de bureau ou refuser des projets non prévus dans la fiche de poste. Ces situations sont souvent liées à une perte de motivation, à un manque de reconnaissance ou une volonté de préserver son équilibre vie pro-vie perso.
**JB**:
— Le rage-quitting ?
**Eric**:
— Le rage-quitting ! Ce terme désigne le fait de quitter son poste de manière impulsive et soudaine, donc souvent sous le coup de la colère, du stress, de la frustration. Exemple, un salarié claque la porte en pleine réunion ou quelqu'un annonce sa démission immédiatement après un désaccord ou une critique. Ce type de départ peut laisser l'employeur dans une situation difficile. Et pour l'employé, quitter son entreprise de cette manière peut être perçu comme un geste impulsif et peu professionnel. Une perte de contrôle émotionnel, clairement. Il s'agit de postuler en masse à de nombreuses offres d'emploi, souvent juste après avoir vécu une expérience négative, des accords critiques sur charge dans son travail actuel. Exemple, après une réunion conflictuelle, une personne envoie son CV à 15 offres dans la même soirée. L'objectif, c'est plus de s'échapper que de construire un projet professionnel. Ce comportement traduit souvent un mal-être professionnel latent, une frustration non-exprimée, et donc, à un moment donné, il faut que ça sorte.
**JB**:
— Évidemment. On enchaîne avec le career cushioning.
**Eric**:
À le fameux carrière-cushioning, c'est pas forcément le plus simple à prononcer, ça désigne le fait de prendre des précautions professionnelles au cas où. Donc en gros on se prépare à un éventuel départ ou licenciement sans quitter vraiment son job. Ce sont des profils pas totalement satisfaits de leur emploi, mais qui n'en change pas dans l'immédiat, donc c'est une forme de plan B discret qui consiste à anticiper une instabilité de carrière, c'est pleinement d'actualité, donc le monde économique n'est pas forcément sûr, la santé financière de mon entreprise non plus, donc au cas où je prépare un plan B, je travaille mon réseau, je mets des alertes sur certaines offres.
**JB**:
Ok. Franchement, est-ce que tous ces termes ne viennent pas trahir une forme de tension entre à la fois la loyauté professionnelle et de l'autre, l'équilibre personnel ?
**Eric**:
– Oui absolument, c'est exactement le cœur du sujet. Le quiet-kitting, ce n'est pas de la paresse, c'est souvent une recherche de juste distance face à un engagement qui a parfois été excessif. Le career-cushioning, ce n'est pas du désengagement, c'est de la prudence face à l'instabilité. Et le rage-playing, ce n'est pas une trahison, c'est un signal d'alarme émotionnel. Et donc tous ces mots traduisent une reconfiguration de la loyauté, On veut plus se sacrifier pour son entreprise. On veut un contrat plus équilibré, plus réciproque. Et c'est donc pas un rejet du travail, mais plutôt une redéfinition de ses conditions d'acceptabilité.
**JB**:
Et entre nous, dans cette liste de mots, est-ce qu'il y en a un, est-ce qu'il y a un mot qui t'agace un peu ? Est-ce que tu trouves en même temps particulièrement l'un d'entre eux, je ne sais pas, peut-être, oui, révélateur de l'époque dans laquelle on est ?
**Eric**:
J'irais pas qu'il m'agace, mais le quiet-kitting est un mot qui cristallise particulièrement notre époque. Parce qu'il parle pas simplement de démission, mais c'est un changement profond dans la manière dont on pense l'engagement au travail. Ce terme traduit une fatigue structurelle, souvent silencieuse, face à la surcharge de travail, au manque de reconnaissance qui est très fort, une volonté de protéger sa santé mentale et son équilibre personnel, et un rejet des cultures du surengagement où nous confond loyauté et disponibilité totale. Ce mot est révélateur parce qu'il porte une problématique centrale, c'est comment continuer à faire son travail sérieusement sans y sacrifier sa vie.
**JB**:
On reste au focus maintenant sur le career cushioning, c'est à la fois une stratégie d'anticipation mais aussi une forme de prudence, parfois même un compromis. Comment chez Indeed, vous, vous analysez ce phénomène ?
**Eric**:
En effet, le career-cushioning est à la fois une forme de prudence et d'anticipation de carrières exacerbées. On n'attend plus de notre employeur qui nous forme, on prend à bras-le-corps l'acquisition de nouvelles compétences dans le but de décrocher notre prochain poste. Le fait que cette tendance émerge au moment où le marché de l'emploi se resserre considérablement, ce n'est pas anodin. L'attentisme, l'anticipation, la planification se sont toujours accrus dans des contextes défavorables. Chez Indeed, on pense que cette tendance traduit la normalisation de l'instabilité. On n'attend plus d'un emploi qui soit durable. On anticipe le choc, que ce soit une restructuration, une IA qui remplace une fonction ou une partie des compétences, un licenciement économique. Le questioning montre que les salariés intègrent le risque comme une variable permanente. Il inverse la logique d'engagement total, là où hier on donnait tout à une entreprise, aujourd'hui on construit une porte de sortie discrète. Ce n'est pas de la défiance, c'est une forme d'intelligence du risque. Enfin, ça s'exerce dans le silence et donc contrairement au rage quitting dont on a parlé tout à l'heure, le career cushioning n'envoie aucun signal à l'entreprise. Il se fait en parallèle dans une forme de double vie professionnelle.
**JB**:
Et est-ce qu'il s'agit là d'un comportement opportuniste ou au contraire responsable dans un monde du travail devenu clairement incertain ?
**Eric**:
— Oui, le career-cushioning, c'est le symptôme d'une génération qui ne croit plus au CDI comme filet de sécurité, et qui développe des réflexes de protection proactive. Donc c'est une réponse froide, posée, mais puissante à un monde du travail perçu comme incertain, volatile et parfois brutal. Donc on pourrait penser que c'est opportuniste, parce que le career-cushioning consiste à chercher des alternatives pendant qu'on est toujours en poste, Ça peut être perçu comme un calcul intéressé, surtout dans des cultures d'entreprise où l'engagement total reste la norme implicite. Mais dans le contexte actuel, c'est une attitude que je qualifierais plus comme responsable. Pourquoi ? Parce que le marché du travail est volatile, imprévisible. les licenciements, l'automatisation, les fusions... L'employeur ne garantit plus toujours la stabilité, même s'il y croit au plus profond, et parce que les carrières linéaires, ça se raréfie, et que prévoir un plan B, c'est anticiper plutôt que subir. Parce que le Career Cushioning, enfin, ne veut pas dire se désengager. On peut continuer à faire son travail sérieusement, tout en gardant une veille active sur le marché. Il ne faut pas voir ce Career Cushioning comme un rejet du travail, mais plutôt comme une façon d'en garder le contrôle. C'est un changement de posture face à un monde du travail qui ne donne plus toute la garantie.
**JB**:
On a ce chiffre frappant quand même. 61% des jeunes de 18 à 34 ans se forment en parallèle. Là, c'est carrément une posture générationnelle.
**Eric**:
ses économiques successives,:**JB**:
Est-ce qu'on voit des différences nettes avec une autre génération, celle des seigneurs ?
**Eric**:
Les fameux seigneurs ? Oui, mais elles sont davantage culturelles que générationnelles. Chez les seigneurs de plus de 50 ans, je précise parce qu'il y a plein de définitions de seigneurs, on observe souvent une plus grande loyauté organisationnelle, héritée d'un modèle plus stable, mécaniquement. Une hésitation à bouger par crainte de repartir de zéro. mais aussi une forme discrète de career-cushioning, justement, à l'ancienne. C'est l'activation du réseau, des projets parallèles, des négociations de conditions de fin de carrière. Bref, les seniors pratiquent aussi une forme de cushioning, mais avec des objectifs différents, qui est plutôt de préserver un équilibre, d'alléger la charge de travail et d'anticiper une transition ou un départ.
**JB**:
Et est-ce que le cushioning n'est pas non plus une manière, finalement, de gérer la fin de carrière ou de préserver en tout cas un espèce d'équilibre ?
**Eric**:
En effet, le career cushioning ne sert pas qu'à aller voir ailleurs, il peut aussi être utilisé pour réduire la pression, s'enrompre brutalement, préparer une reconversion douce, négocier une charge plus tenable en interne, protéger son équilibre personnel face à un rythme devenu difficile à soutenir. Donc c'est une stratégie d'adaptation et pas uniquement une stratégie d'opportunisme.
**JB**:
Et quelle forme ça peut prendre concrètement, se former en ligne, changer de rythme, accepter un job plus tranquille ? Est-ce que tu as comme ça des exemples à nous donner ?
**Eric**:
Oui, alors se former en ligne, suivre un MOOC, une certification en data, en IA, en gestion de projet, en dehors des heures de travail, ça se fait assez souvent chez les cadres. Tester autre chose en parallèle aussi, via un projet entrepreneurial, du bénévolat par exemple. Il y a s'économiser mentalement, donc se dégager du temps en acceptant un job entre guillemets plus tranquille, sans ambition d'évolution, on en avait déjà parlé mais... le refus d'évoluer sur un poste de cadre, voire refuser un poste de management et changer de fonction. changer de rythme aussi, passer en 4-5e, demander un poste moins exposé, réduire les responsabilités, faire la veille, suivre les offres, observer les salaires, analyser les tendances de son secteur, et reprendre le networking au cas où.
**JB**:
Et oui, on ne sait jamais. Une autre donnée interpelle, plus de 45% des travailleurs américains déclarent rester dans leur poste actuel uniquement justement pour des raisons économiques ou de stabilité. et tout en se formant en parallèle. Est-ce qu'on n'est pas là, finalement, à un moment, en train d'assister à ce qu'on pourrait qualifier d'une dissociation entre emploi et engagement ? En gros, je reste par nécessité, mais je me projette ailleurs, en silence.
**Eric**:
Exactement, c'est sans doute l'un des marqueurs clés du travail post-Covid. Je reste parce qu'il le faut, pas parce que j'y crois encore. Cette dissociation entre la fonction exercée et l'adhésion réelle fragilise le lien de loyauté traditionnelle et alimente ainsi des comportements silencieux, comme le career-cushioning justement et le quiet-kitting. Et du coup, ça joue quand même énormément sur ce fameux engagement et sur la productivité.
**JB**:
Clairement, évidemment. Et est-ce que ces comportements, finalement, on les retrouve aussi partout ? On observe des variations fortes selon les pays ?
**Eric**:
Oui, ce comportement se retrouve un peu partout, mais les attitudes varient selon les pays. Dans les pays nordiques, en gros, l'Allemagne, la Suisse, Belgique, Pays-Bas, le career-cushioning est plus ouvert et souvent intégré dans les dispositifs de formation continue ou de mobilité sécurisée. On accepte que l'employabilité se cultive. En France et aux Etats-Unis, il est plus discret, voire tabou, car souvent perçu comme un manque d'engagement, mais il existe bel et bien, il est simplement caché. Et en Europe du Sud, et également au Japon et en Corée, les logiques de fidélité statutaire restent très fortes, mais la pression sociale ou économique pousse de plus en plus de talents à envisager.
**JB**:
Des plans B. Et est-ce que les employeurs sont conscients de ces signaux faibles, ou bien c'est encore perçu comme marginal, voire même carrément anecdotique ?
**Eric**:
Pas toujours, beaucoup de dirigeants ou de DRH perçoivent encore ces signaux comme marginaux, alors qu'ils sont vraiment massifs, clairement, juste invisibles à leurs yeux. Mais les plus avancés commencent à interroger sur le sens de l'engagement, valoriser l'employabilité partagée plutôt que la fidélité forcée, et accepter que la mobilité peut être saine si elle est accompagnée.
**JB**:
Comment les ressources humaines peuvent réagir de manière intelligente, on va dire, sans tomber dans le contrôle évidemment excessif ?
**Eric**:
C'est un équilibre subtil à trouver, mais les RH peuvent réagir de manière intelligente au fameux carrier cushioning en écoutant les signaux faibles à travers des espaces d'expression sans tabou, donc entretiens informels, des baromètres, ça marche très bien, des discussions informelles. La formation de managers a repéré ces fameux signaux de désengagement progressif, l'isolement, le retrait, la baisse de projection, la valorisation d'un dialogue ouvert sur les envies de mobilité, même externe, sans juger ses collaborateurs. Deuxième gros point, c'est favoriser une culture de l'employabilité partagée, c'est-à-dire proposer des formations internes variées, même transverses, Encourager les projets personnels, du mentorat, de l'entreprenariat. Offrir des parcours évolutifs et non figés. Une entreprise qui investit dans l'employabilité, finalement elle gagne en attractivité et en réciprocité. Le troisième point c'est faire de la mobilité un outil de fidélisation et pas de rupture. Donc proposer des mécanismes de mobilité positive. une passerelle vers un autre service, une autre filiale, un autre métier. Et un off-boarding bienveillant. Peu d'entreprises le font, mais quelqu'un part, on va l'accompagner au lieu de le bloquer. Ça fait partie de la vie, et d'ailleurs c'est le fameux phénomène boomerang, il peut revenir aussi quelques mois ou quelques années plus tard. Penser la relation dans la durée, alumni, partenariat, etc., plutôt que sur du court terme. Accepter que partir bien, c'est aussi une forme de fidélité à long terme, et puis ça fait aussi des ambassadeurs qui peuvent bien parler de l'entreprise et donc devenir aussi des recruteurs pour d'autres talents. Et enfin, le quatrième point, c'est de repenser les entretiens professionnels. Si on parlait plus seulement de ce que tu veux faire ici, mais aussi de ce que tu veux apprendre, où tu veux aller dans 2, 3, 4, 5 ans, même en dehors de l'entreprise. Un salarié entendu sur ces projets de façon libre et transparente aura moins envie de les cacher et plus de raison de rester.
**JB**:
Oui, ça semble évident. Est-ce qu'on peut imaginer un carrière cushioning à deux où finalement, salariés et entreprises construiraient ensemble un parcours évolutif, même s'il mène à une mobilité externe ?
**Eric**:
Dans un monde idéal, l'entreprise aide le salarié à se préparer à l'évolution, même si cela mène à un départ, qu'elle y gagne aussi en clarté, en images, en fluidité RH, mais ça suppose de lever les tabous autour de la mobilité, d'encourager la transparence des projets personnels, de cultiver des off-boarding positifs et valorisés, et donc c'est un travail de fond qu'il faut commencer à faire dès maintenant.
**JB**:
Et Eric, est-ce que ça peut devenir finalement un vrai levier de fidélisation, d'ouverture, voire même d'innovation côté RH ?
**Eric**:
Premier abord, ça paraît contre-intuitif. Pourquoi parler de fidélisation quand on parle de gens qui se préparent à partir ? Mais parfois, accepter qu'un salarié pense à la suite, c'est la meilleure façon de le garder. Intégré à une stratégie RH, le Career Cushioning peut mener à des nouvelles formes de mobilité interne, croisée, en stand-by, partagée. des dispositifs souples, des formations libres, des entretiens entre guillemets horizon, les gestions de transition. Donc le salarié en confiance avec son entreprise va rester plus longtemps ou partir dans de bonnes conditions et peut-être revenir à la fameuse logique du boomerang et d'une relation plus d'adulte à adulte.
**JB**:
Et quand on regarde de près tous ces phénomènes, est-ce qu'il y a des secteurs qui sont plus touchés que d'autres ? Je parle de la tech, santé, enseignement. Est-ce que la tendance est uniforme ?
**Eric**:
Certaines professions et secteurs sont plus propices au career-cushioning pour des raisons liées à l'instabilité du marché, à la culture du travail ou à l'accès aux opportunités externes. La tech est très concernée par le career-cushioning en lien avec l'instabilité post-licenciement massif, surtout aux Etats-Unis et même dans le nord de l'Europe. Le secteur de la santé, de l'enseignement, par épuisement structurel, manque de reconnaissance, des rythmes intenses. Le secteur de la communication, marketing, RH, il y a une forte porosité entre projets salariés et les side projects. Et puis les secteurs de l'industrie, secteur public, secteur du transport, où ces phénomènes émergent plus lentement mais gagnent du terrain, notamment chez les jeunes générations.
**JB**:
Entre nous, est-ce que finalement, on ne pourrait pas voir aussi tous ces mots anglo-saxons comme une nouvelle forme de transparence, d'honnêteté au travail ? On arrête de faire semblant, on assume ses limites, ses envies d'ailleurs, et ses doutes ?
**Eric**:
– Oui, ces tendances érages, c'est le retour de la vérité au travail. on fait plus semblant, on pose ses limites, on exprime ses doutes, on négocie sa place, et se traduisent par une individualisation des parcours qu'on veut être considérés en tant qu'individus, mais c'est aussi un besoin de dire les choses autrement que par des tableaux de bord RH et des tableaux Excel et des reportings.
**JB**:
exemple à suivre de près en:**Eric**:
Eh bien du coup je choisirais le career cushioning, prononcez-le comme vous voulez, mais tout simplement parce que c'est le plus silencieux mais le plus massif, le plus révélateur d'un glissement de culture. et le plus complexe, à la frontière entre anticipation, protection et transformation. Donc c'est un mot qui parle de prudence, mais aussi de reprise de pouvoir de manière discrète.
**JB**:
Est-ce qu'on ne peut pas parler français dans les RH ?
**Eric**:
Ça serait bien.
**JB**:
Ce serait pas mal quand même.
**Eric**:
C'est clair.
**JB**:
Thank you so much.
**Eric**:
Thank you JB.
**JB**:
You're welcome. Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions. C'est Jobnews by Indeed, c'est la saison 5, le podcast qui décrypte tous les mois l'actu de l'emploi. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager ou à laisser une note positive sur votre plateforme de podcast préférée. À très vite pour un nouvel épisode de Jobnews. Ciao, ciao, salut.
**Eric**:
Job Radio vous a présenté Job News by Indeed, le podcast qui décrypte l'actu de l'emploi.